PHOTOGRAPHE professionnel depuis le début des années 1970, théoricien et auteur de nombreuses publications, Jean Lauzon poursuit une démarche où se rencontrent la photographie documentaire et la construction contrôlée des espaces.
Dans ses dernières productions, l'artiste privilégie les plans obliques comme noyaux de sens, comme embrayeurs de relations déconcertantes qui s'installent dans le regard à chaque fois que l'équilibre des choses représentées risque de basculer.
Lauzon mise sur une situation paradoxale entre la stabilité du cliché qui suspend le mouvement et la force directionnelle des plans internes. Cette tension médium-contenu y est travaillée de diverses manières. Parfois, le cadrage même incline les motifs plutôt stables; ailleurs, la direction des espaces architecturaux sert de prétexte, les escaliers par exemple; dans d'autres cas, l'obliquité accidentelle d'un objet secondaire indexe la dynamique entre les horizontales et les verticales.
Partout, l'oblique a pour effet de toucher les fibres les plus sensibles et les plus fondamentales du corps. Celles qui obéissent aux lois de la gravité; celles par lesquelles nous évaluons tous les espaces qui nous entourent; celles qui, par extension, dirigent en sourdine le jugement esthétique dans le sens de bien être ou de mal être.
Parce que l'artiste saisit sur le vif des situations quotidiennes et qu'il cadre des sites familiers, la saveur documentaire de l'image rend l'obliquité des plans et des composants d'autant plus percutante et vitale. Comme si ces images avaient pour mission de pointer la dynamique spatiale des scènes et des choses les plus banales.
Les photographies de Lauzon pressentent et représentent ainsi le déplacement, le mouvement, l'énergie, en un mot: la vie même.
Nycole Paquin, 1997.